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Zbigniew Brzezinski: Le rôle de l'Occident

Cet article a +5 ans. Son contenu n'est probablement plus d'actualité.

Vous avez sans doute entendu parler de Zbigniew Brzeziński  (1928-2017). Bref, il serait difficile de le considérer comme un doux rêveur ou un révolutionnaire. D'autant plus intéressant m'a semblé son discours, "Le rôle de l'Occident dans le monde post-hégémonique complexe", prononcé en 2012 lors du Forum Européen pour des Idées Nouvelles (l'EFNI 2012 ).
Cinq ans plus tard, vu ce qui se passe actuellement dans l'Union Européenne, il semble utile de le rappeler.

Résumé

Selon le professeur Brzeziński, la domination d'une seule grande puissance n'est plus possible. Cela fait que le monde est exposé au chaos, et que les démocraties bien établies devraient développer une plus grande coopération afin de mieux peser sur la scène internationale.

La victoire pacifique de l'Amérique sur la Russie a donné l'illusion que le 21ème siècle appartiendra aux Etats-Unis. Cependant, après seulement vingt ans, nous savons que cela n'est plus possible.

Il en est ainsi pour plusieurs raisons.

Premièrement : le monde est globalement connecté ; les médias (radio, télévision, Internet) ont facilité l'éveil de consciences et l'organisation de la résistance sociale. La repression de cette résistance n'est plus aussi facile qu'à l'époque du colonialisme et de l'impérialisme, comme en témoignent les guérillas au Vietnam, en Algérie et en Afghanistan. La même chose s'annonce au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Ouest.

Deuxièmement : la possession d'armes de destruction massive nous oblige à modifier la perception du concept de victoire, qui devient aujourd'hui extrêmement coûteux.

Troisièmement : le centre de gravité de l'équilibre global des forces se déplace de l'Ouest vers l'Est, ce qui complique encore les choses car il n'y a actuellement pas de puissance pouvant garantir la stabilité en Eurasie.

La liste des pays géopolitiquement importants comprend : États-Unis, Chine, Russie ; en Europe - l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne (et non l'Union européenne en tant que telle car elle manque de cohésion politique); en Asie - Japon, Inde et la Chine, déjà mentionnée.

Malheureusement, chacun de ces pays connaît des problèmes systémiques qui limitent sa capacité de façonner les relations mondiales.

Etats-Unis
Dans un avenir proche, le rôle global des Etats-Unis pourrait être menacé. D'une part, l'État ne sait pas résoudre ses problèmes économiques et financiers internes, en particulier ceux qui génèrent des inégalités sociales croissantes ; d'autre part, la crédibilité politique des États-Unis s'est détériorée en raison de l'abus unilatéral de sa puissance militaire, en particulier au Moyen-Orient. L'éventualité d'une nouvelle guerre, avec l'Iran, n'améliorerait pas cette image. Le fardeau financier des guerres prolongées retarde le renouvellement des infrastructures.

Chine
Malgré une modernisation sans précédent et impressionnante, la Chine connaît des tensions internes entre la bureaucratie au pouvoir, des forces armées de plus en plus nationalistes, et les aspirations d'une nouvelle et jeune classe moyenne. Les tensions géopolitiques avec le Japon et l'Inde commencent à ressembler à celles qui ont mené aux guerres en Europe.

Russie
La Russie n'a pas encore évalué de manière réaliste le rôle qu'elle pourrait jouer à l'avenir sur la scène internationale. Elle est dominée - surtout sous Poutine - par la nostalgie du passé impérial, et espère absorber l'Ukraine. Elle se débat avec le retard de son développement social et économique, avec la crise démographique, avec la fuite des meilleurs cerveaux. A l'est du pays, voisin de la Chine qui se modernise, le mécontentement de la population russe augmente. Le pays utilise la violence au Caucase. Le fondamentalisme islamique commence à se répandre de l'Asie centrale vers les régions du sud de la Russie, y compris le Tatarstan.

Union européenne
L'actuelle Union a montré qu'elle est moins union que son modeste prédécesseur - la Communauté européenne et, en tant que telle, pèse peu dans la politique mondiale. Elle traverse une crise existentielle, les vieilles animosités renaissent. Les pays qui comptent dans l'Union sont l'Allemagne, la France et l'Angleterre (les deux dernières, disposant du droit de veto à l'ONU, agissent parfois comme des acteurs internationaux sérieux). Néanmoins, la Grande-Bretagne est réticente à s'identifier au reste de l'Europe en tant qu'européenne. Au sens politique, l'Union européenne est un futur lointain.

Japon
Le Japon est un bon citoyen du monde, mais il est passif et incertain de son rôle dans le monde. Il s'isole à cause de ses tensions avec la Russie (tensions territoriales), avec la Chine (mémoires de guerre amères de la Chine), et avec la Corée (violence réciproque). Face aux tensions avec la Chine, l'accord bilatéral avec les Etats-Unis est actuellement la seule garantie du paix dans ce pays.

Inde
Le pays le plus peuplé du monde, l'Inde a de grandes aspirations et une armée puissante, mais n'a pas la dynamique économique de la Chine. En outre, elle est affaiblie par le conflit avec le Pakistan (ce dernier étant de facto un allié de la Chine), par ses ambitions internationales contradictoires, et par sa mosaïque culturelle et ethinque qui rappelle dangereusement celle de l'ex-URSS. Les conflits territoriaux non résolus avec la Chine représentent un défi pour la stabilisation pacifique entre ces deux pays les plus peuplés du monde.

L'Asie est devenue un théâtre de conflits nationalistes ouverts ou larvés relatives aux frontières terrestres et marines, aux ressources naturelles et l'eau, sans parler des animosités religieuses, linguistiques et ethniques. il n'y a pas de superpuissance mondiale qui puisse garantir la stabilité en Eurasie.

Le conflit sur la fragmentation de la Syrie se poursuit ; une guerre avec l'Iran, provoquée par Israël, pourrait se répercuter sur une économie mondiale déjà fragile, avec des conséquences internationales potentiellement sérieuses.

La rivalité entre les États-Unis et la Chine, temporairement pacifique, pourrait devenir antagoniste. Elle conduit au nationalisme. Des deux côtés, on voit des publications qui parlent ouvertement de la possibilité d'un conflit armé.

Tout ceci souligne l'importance d'un engagement plus affirmé de la part des pays qui n'ont pas utilisé leur puissance politique à ce jour. En Europe - il s'agit principalement de l'Allemagne économiquement puissante, et de la Turquie de plus en plus importante sur le plan stratégique ; sur la scène mondiale - il s'agit du Japon, trosième économie du monde.

L'Europe en tant que telle, avec l'encouragement de l'Amérique et son engagement continu en faveur de la sécurité dans la région, a besoin d'une vision audacieuse d'une communauté politique qui dépasse ses frontières actuelles. Dans les décennies à venir, cela pourrait signifier une fédération avec la Turquie, l'Ukraine et - pourquoi pas - avec la Russie. L'Allemagne, en tant que la première force en Europe, pourrait et devrait jouer un rôle clé dans cette entreprise, notamment grâce à une réconciliation réussie avec la France et la Pologne.

Turquie
Il convient de noter qu'en dépit des incidents, la modernisation de la Turquie, entreprise par Ataturk il y a près d'un siècle, s'inspire de l'admiration d'Atatürk pour la société allemande. La modernisation et sécularisation ont été couronnées de succès.
L'exclusion actuelle de la Turquie de l'Union Européenne reflète non seulement l'absence d'ambitions stratégiques européennes mais, surtout, l'absence de bon sens stratégique.
Des liens plus étroits entre la Turquie et l'Europe renforceraient la sécurité du continent, garantiraient la stabilité de l'importante région pétrolière de la mer Caspienne, renforceraient la sécurité de l'Azerbaïdjan géorgien, et renforceraient la coopération sur la Mer Noire, renforçant ainsi l'indépendance de l'Ukraine. Sinon, la Turquie frustrée et isolée, exclue de l'Europe, peut devenir un pivot de la propagation des troubles politiques, ethniques et religieux du Moyen-Orient vers les régions des Balkans en Europe.

Russie
La Russie mérite également un meilleur avenir que la nostalgie de son passé impérial que Poutine entretient. Aucun des nouveaux États post-soviétiques ne se soumettra de nouveau au Kremlin. Ils feront ce qu'ils peuvent pour éviter l'assujettissement sous la couverture de l'Union d'Eurasie, actuellement promue par le Kremlin. Leur détermination à cet égard n'exclut pas l'infiltration de la fierté nationale par l'extrémisme religieux. Paradoxalement, la Russie fédérée avec l'Union Européenne, deviendrait pour eux un sponsor plus acceptable de l'intégration économique dans l'espace de l'ex-Union soviétique, parce qu'ils craidraient moins pour leurs souverainetés. En outre, la Russie liée à l'Europe aurait une plus grande influence mondiale.
Et c'est possible. La Russie change et son régime deviendra obsolète. Sa jeune classe moyenne commence à se faire entendre. Pour la première fois dans l'histoire de la Russie, la peur ne pénètre pas la vie politique du pays. C'est une nouvelle réalité qui engendrera des conséquences de grande envergure. Elle marque le début d'une nouvelle ère dans la culture politique russe. Dans dix ou vingt ans, cette classe moyenne, qui n'a pas de nostalgie du passé impérial, façonnera la Russie.

Ukraine
L'Ukraine peut être un accélérateur politique important dans ce processus de changement. Actuellement sous le régime pro-Kremlin, qui craint les prochaines élections parlementaires, le pays recule politiquement. Néanmoins, 20 ans d'indépendance ont insufflé une nouvelle identité à la jeune génération qui ne se laissera pas débarrasserer de la fierté de l'indépendance. Elle voit son avenir au sein de l'Union Européenne - mais pas contre la Russie ! ...avec la Russie... démocratique.

Professeur Brzezinski ne doute pas qu'une telle Europe, véritablement coopérative et démocratique, verra le jour même si c'est une perspective lointaine. C'est pourquoi l'Europe a un besoin urgent de dirigeants qui auraient une véritable ambition continentale.

L'Europe a donc besoin de leaders, et le monde, en particulier l'Eurasie, a besoin d'un nouveau modèle qui pourrait germer en Europe. Sinon, il peut y avoir un conflit global.

Aux pires jours de la Seconde Guerre mondiale, Churchill et Roosevelt ont publié (lien: https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_de_l%27Atlantique text: La Charte de l'Antantique) comme une vision de ce que la persévérance et la confiance en la victoire peuvent apporter à la fois à l'Amérique et à l'Europe. C'était une affirmation de la responsabilité historique. Sa réalisation a pris plus de temps que la victoire militaire durant la Seconde Guerre mondiale néanmoins, 50 ans plus tard, et en grande partie grâce aux événements initiés à Gdansk en 1980, la Charte de l'Atlantique est devenue une réalité non seulement pour l'Occident mais également pour l'Europe centrale.

Le monde entier, mais surtout l'Eurasie, a besoin d'un modèle que l'Europe pourrait élaborer. Sinon, notre jeune 21ème siècle sera dominé non pas par des aspirations hégémoniques, mais par la montée du chaos mondial. Il est grand temps que les dirigeants européens prennent exemple sur Roosevelt et Churchill et construisent l'Europe dans toute l'Europe.

Commentaire

Contrairement à Brzezinski, je ne déplore pas que, suite à l'expansion des mass-médias, l'éveil des consciences rende difficile la manipulation des nations, et qu'Il n'est plus possible de reprimer les révoltes contre l'hegemonisme des États-Unis. Toutefois la vision que Brzezinski a de l'Europe, se défend. Si seulement l'Europe était construite pour les populations et non pour les marchés, je serais aussi pour une fédération plus large et plus poussée au sein d'elle, dès aujourd'hui. Puisque il n'e nest rien, j'étais de ceux qui ont voté «non» au référendum français sur le traité constitutionnel en 2005, et je continue à être convaincu qu'il faut d'abord refonder l'Union.

Que pouvons-nous recenser en 2017, 5 ans après le discours de Zbigniew Brzezinski ? :

  • la guerre qui s'éternise en Syrie (depuis 2011)
  • manifestations Euromaïdan (2013)
  • référendum en Crimée (2014)
  • guerre de Donbas (depuis 2014)
  • querre au Yemen (depuis 2014)
  • renoncement de la Turquie à l'adhésion à l'UE et dérive autoritaire d'Erdogan (depuis 2014)
  • montée de nationalisme et retranchement religieux en Pologne (depuis 2015)
  • élection de Trump aux USA (2016) et ses gesticulations de nationaliste de droite
  • référendum en Angleterre (2016) relatif au Brexit
  • missiles balistiques intercontinentaux en Corée du Nord (2017)
  • montée des nationalismes en Autriche (2017) et en Allemagne (2017)
  • régionalisme égoïste en Catalogne (2017)

J'en ai certainement oublié. C'est l'âge.

A quoi s'attendre durant les 5 prochaines années à venir ?